Les Halles Centrales de Paris

Publié le par Visualia

Le quartier des Halles à Paris est aujourd’hui bien connu par son Forum, qui regroupe sur plusieurs niveaux, de nombreux magasins réputés et divers commerces très branchés. Il attire chaque jour des milliers de touristes, de curieux et de clients qui viennent des quatre coins de Paris, de banlieue et aussi des régions de France et de l’étranger. Mais, pendant plusieurs siècles et jusqu’en 1969, ce quartier très animé de la capitale sera « le ventre de Paris » où toutes les denrées nécessaires à la restauration de ses habitants seront acheminées par tous les moyens pour achalander les grands commerces alimentaires et autres petits marchands des « quatre saisons ».

Des Champeaux au Pilori

Les Halles désignaient autrefois le marché central de Paris. Au 12ème siècle, le roi Louis VI le gros fait installer les premiers marchés couverts sur les « Champeaux », des petits champs sur des anciens marécages. Le nom actuel de la « rue des Petits champs » rappelle cette époque. En 1183, Philippe Auguste réunit la foire Saint-Ladre et pour abriter les marchandises, la construction de deux bâtiments est réalisée. En 1534, François 1er fit construire de nouveaux édifices entourés d’une galerie couverte dont les piliers existèrent jusqu’en 1854. Chaque corporation s’attribue une rue, comme la rue Poissonnière ou celle de la Boucherie. Au 16ème siècle, Paris compte près de 300 000 habitants. Jusqu’à la Révolution, se trouvait près de Saint-Eustache, le pilori des Halles où les faussaires, les brigands et autres coquins sont présentés, la tête et les mains mises dans les fentes d’une roue horizontale élevée sur un pivot. Sous le 1er Empire, Napoléon fait déménager sur la rive gauche, la halle des vins et celle des cuirs.

Les Pavillons Baltard

Napoléon III n’aime pas le lourd pavillon de pierre que l’architecte Victor Baltard a conçu pour les Halles de Paris et que les parisiens surnomment « Le Fort des Halles ». En 1851, Baltard imagine alors de nouveaux bâtiments, utilisant le fer, la fonte et le verre, dans un esprit résolument novateur. Le projet moderne et audacieux, enthousiasme l’Empereur, et les Halles vont susciter l’admiration générale. Selon Eiffel, Baltard ouvre Paris au XXème siècle, Verlaine parle des dentelles de Vulcain. L’architecte s’inspira des gares de Chemins de fer pour construire les Halles centrales, d’un seul plan et d’un seul jet, de grands parapluies de fer appelés « pavillons ». Les Halles se composent de deux corps de bâtiment entièrement en fer et en fonte, assis sur des surbassements en pierre brune des Vosges, surmontés d’un moulage d’environ deux mètres de haut en briques de couleur, dessinant des losanges rouges sur fond jaune. Ces deux corps de bâtiment sont séparés par une voie médiane, prolongement de la rue du Pont-Neuf, qui a reçu le nom de Baltard.

Un ventre de Paris gigantesque

La superficie totale des Halles Centrales est de 30 000 mètres carrés environ, dont 4 540 mètres carrés pour chacune des trois doubles travées formant les six marchés de l’Est, 2 920 mètres carrés pour les deux pavillons de vente en gros, 2 270 mètres carrés pour ventes demi-gros et au détail. Un ensemble de 10 380 mètres carrés était destiné aux marchés de l’ouest, plus les caves, magasins et autres resserres ainsi que 6 000 mètres de rues couvertes. Dès 9 heures du soir, les Halles entrent en pleine activité avec les arrivages pour le lendemain. Les approvisionneurs viennent de petite et grande banlieue, du nord et du sud, par les voies millénaires Saint Jacques, Saint-Martin et Saint-Denis, de l’ouest par Saint-Antoine, de l’est par Saint-Honoré. Toutes les charrettes déchargent sur les trottoirs appelés « Carreaux ». La population des Halliers nocturnes circule parmi les diables, hottes, paniers, panetons, bottes, cageots contenant poireaux, salades, racines, asperges, carottes, suivant les saisons. Tout ce qui se mange à Paris passe par les Halles. Ainsi, outre la banlieue, les provinces, l’Algérie et l’étranger fournissent toutes les autres denrées
utiles aux Parisiens. Toute la population grouillante des travailleurs des Halles ne manque pas, ainsi que de nombreux promeneurs, d’aller déguster la célèbre soupe à l’oignon dans un de ces petits bistrots enfumés, où toutes les odeurs se mélangent.

Une population bien nourrie

Voici quelques chiffres qui donnent une idée de la consommation des Parisiens vers 1875 : 241 millions de kilos de raisins et de fruits, 30 millions de kilos de poissons de mer et de rivières, 8 millions de kilos d’huîtres, 18 millions de kilos de beurre, 57 millions de kilos de fromages, 161 millions de kilos de viande de toute espèce, 24 millions de kilos de volailles et gibiers, 414 millions d’œufs, 600 millions de litres de vin, bière, cidre, liqueurs… Ces chiffres montrent que la population parisienne était bien nourrie, les pauvres profitant, de diverses manières des excédents des plus riches.

Les Halles Centrales partent pour Rungis

Les Halles manquant de place, la circulation devenant trop dense, le transfert est décidé, destination Rungis, au sud de Paris, à partir de 1969. Malgré des manifestations pour la défense des Pavillons Baltard, la destruction commence le 28 août 1971 par la chute du pavillon n° 10 (beurre et fromages), le 18 septembre 1971, les pavillons 7 et 9, avec la voie couverte de 115 ans, seront également détruits. Le pavillon n° 8 qui abritait le marché des œufs et de la volaille sera conservé comme pavillon-témoin. Il sera classé monument historique et Nogent-sur-Marne, aux portes de la capitale, sera choisie pour sa réinstallation. Désormais, entouré des grilles d’origine des Halles de Paris, le Pavillon Baltard revit dans un cadre Belle Epoque, qui réunit une colonne Morris, une fontaine Wallace, des réverbères… Après plusieurs années de travaux considérables, « le trou des halles » deviendra le « Forum », véritable carrefour de l’Art de la Culture contemporaine.


Yolande Eveau et Alain Ripaux

Ouvrages consultés :
Paris, il y a cent ans, Auguste Vitu
Paris, tel qu’on l’aime, Doré-Ogrizek – Editions Odé (1949)
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